Industrie

Entretien avec Guillaume Faury : « Ce monde a complètement changé avec des tensions géopolitiques considérables »

A l’occasion du Paris Air Forum, événement organisé par La Tribune, à la Maison de la Mutualité (Paris) ce 13 juin, Guillaume Faury, président du GIFAS, accorde un entretien à La Tribune. Il présente les évolutions de la filière aéronautique, spatiale et de défense. Au sujet de la décarbonation, il souligne : « Ce qui va être important pour nous, c’est d’avoir de la continuité dans le soutien à la filière aérospatiale et à l’aviation comme dans le soutien à la décarbonation. Toute la difficulté est d’arriver à faire les deux en même temps. C’est pour cela que nous avons besoin d’un travail efficace et coopératif dans le domaine industriel, entre les entreprises et les pouvoirs publics, en particulier européens ». « Que ce soit sur le Ciel unique européen ou sur le développement des carburants durables pour l’aviation, dits SAF, nous avons besoin d’aller vite », insiste Guillaume Faury. Concernant la sécurisation des approvisionnements, il précise : « Au sein de la filière, nous sommes coordonnés avec les autorités européennes et françaises qui s’occupent de l’accès aux matériaux critiques, et nous avons aussi lancé des actions spécifiques. C’est ce que nous avons fait collectivement avec Aubert et Duval pour recréer une filière européenne pérenne dans le domaine des aciers et des métaux de haute technologie spécifiques à l’aviation, en particulier le titane mais pas seulement ». Dans le domaine spatial, « Nous retrouvons une capacité de lancement, mais […] nous avons vraiment un problème d’échelle très difficile à gérer et qui impose plus que jamais un travail collectif mais aussi compétitif. Il est vrai que les règles de retour géographique, avec lesquelles l’Europe a traditionnellement fait sa coopération, sont aujourd’hui rigides et pas très compétitives. Il faut les remettre en cause parce que nous avons besoin de faire évoluer notre modèle ». Face aux enjeux de défense, Guillaume Faury avertit : « Nous avons eu, en Europe, une prise de conscience très forte de la criticité de la défense et de la sécurité avec le retour de la guerre à nos frontières. Nous n’y étions plus habitués depuis très longtemps, et nous avions assez largement baissé la garde. Au sein de l’Union européenne, nous dépensons 5 fois moins qu’aux États-Unis pour s’équiper en matériel de défense. Et cet effort est aussi différent en nature : les États-Unis achètent quasiment exclusivement américain. Nous, nous achetons entre les 2/3 et les 3/4 de notre matériel hors d’Europe. Et ces acquisitions sont fragmentées, parce que faites bien davantage au niveau national qu’européen. Pour s’en sortir, il faut faire le plus possible de coopérations pour retrouver de l’effet d’échelle, faire de l’export – l’accès à l’export est absolument essentiel ».